Vous avez sûrement déjà entendu ce mot « POD » sans en connaître vraiment le sens ni la raison d’être. Alors qu’ils semblent fleurir de plus en plus sur LinkedIn et séduire de nombreux professionnels tous profils confondus, je vous propose l’histoire de ces bandes organisées qui cherchent à accroître la visibilité de leurs publications et leur nombre de followers de manière artificielle.
1 – Qu’est-ce qu’un POD ?
C’est une communauté privée au sein de laquelle les membres sont convenus, à tour de rôle, de soutenir leurs publications respectives dans le but de booster rapidement leur portée et leur viralité. Concrètement, lorsqu’un membre publie sur LinkedIn, il partage le lien de sa publication dans son groupe afin d’inviter (ou plutôt d’inciter) chacun à liker et/ou commenter son article ou post. Le groupe se donne alors rendez-vous sur le contenu, prêt à dégainer du like ou du commentaire et créer ainsi un noyau d’engagement indispensable au bon démarrage de la publication. Toutefois, les membres du POD qui profitent des likes et commentaires de leurs petits camarades sans donner en retour (appelés dans le jargon « leechers » (sangsues)) risquent tout simplement l’exclusion, et oui, ça ne plaisante pas.
Mais attention, rejoindre un pod n’est pas sans risque car biaiser l’engagement organique des publications est loin d’apporter des bénéfices sur le long terme.
« Gare à la flatterie, ma fille : trop de sucre gâte les dents. » – Madame de Sévigné
2- Comment les repérer sur LinkedIn ?
1- Les commentaires sont peu qualitatifs, courts « bravo, merci, super, génial », complaisants envers l’auteur, ce qui empêche la véracité des débats et des interactions. Le créateur d’un pod a la possibilité de proposer et de personnaliser des réponses toutes faites aux membres de son groupe, comme dans l’exemple ci-dessous avec Lempod :
Or le but d’une publication n’est-il pas de confronter les idées, les expertises entre professionnels et d’élargir les horizons ? La richesse et la valeur d’une communauté se mesure dans la puissance des échanges et des réflexions communes qui font grandir chacun.
2- Le ratio entre les likes et les commentaires est disproportionné, par exemple 100 likes et seulement 2 commentaires. (le ratio pour 100 likes est de l’ordre de 15 à 20% de commentaires, soit entre 30 et 40 commentaires). (source LinkaLyze*) – https://www.linkedin.com/posts/linkalyze_influence-linkalyze-statistics-activity-6639177609617920000-8Tvo
3- Le profil des likers : beaucoup viennent de pays ne parlant pas la langue du post, font la promotion de leurs services/produits ou leur commentaire est hors sujet.
4- Le flux d’activité de l’auteur manque d’intérêt, il like de nombreux posts et commente très peu voire jamais.
3/ Quelles conséquences ?
Les abonnés de longue date peuvent remarquer ce stratagème et arrêter de vous suivre voire vous supprimer purement et simplement de leurs contacts. En effet, une poignée de likeurs prêts à l’emploi dans les quelques minutes après la publication ne passe pas si inaperçu que vous le pensez. Surtout si du jour au lendemain, un membre dont les publications ont habituellement peu de likes, de commentaires et dont le réseau est faible rafle soudainement beaucoup de suffrages.
« Vous pouvez tromper tout le monde une fois, quelques-uns souvent, mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps. » Abraham Lincoln
Les pods dénaturent le sens de l’engagement – Dans un article du magazine Stratégies, on peut ainsi lire « Au siècle dernier, le terme « engager » revêtait une forme d’entièreté, tout en induisant une notion de binarité. S’engager, c’était aller au bout de ses idées, au bout de sa passion. Cela signifiait l’engagement patriotique en s’enrôlant, l’engagement passionnel en se mariant. D’ailleurs, une des traductions anglaises de ce terme polysémique renvoie directement au mariage (« to engage »).
Un engagement spontané, libre, sincère fidélise les lecteurs sur le long terme, favorise leur rétention, influence le bouche-à-oreille et permet de fonder une communauté attachée à des valeurs plus qu’à des intérêts. Les pods n’apportent ainsi que des « bénéfices » de courte durée, plus une communauté grandit grâce au pod, plus il sera compliqué ensuite de toucher une audience naturellement.
Melonie Dodaro, reconnue comme l’une des principales expertes LinkedIn et auteure du livre best-seller « LinkedIn Unlocked » rappelle dans une interview en ligne :
« Les pods d’engagement de LinkedIn sont un stratagème désespéré de visibilité. Si votre message ne parvient pas à s’imposer (de manière organique), vous devriez probablement commencer une nouvelle stratégie de contenu ! »
Son site : https://topdogsocialmedia.com
Puisque la majorité du temps les mêmes personnes viennent liker ou commenter, cela limite la découverte de nouveaux membres, réduit les possibilités d’étendre son réseau et de décrocher des opportunités d’invitations ou de rencontres. Et plus on se focalise sur les likes, moins on se rend disponible pour interagir avec les bonnes personnes.
4- Comment sont-ils construits ?
Les pods peuvent varier de 10 à 100 membres. Selon un article paru sur le site de Josh Steimle, auteur, conférencier et contributeur du magazine Forbes, les pods ont tendance à être plus efficaces lorsqu’il y a 20 à 30 membres et au moins 50% d’entre eux très actifs. Avec plus de membres, cela devient souvent trop difficile à suivre pour chaque membre. On estime qu’un pod comprenant 10 à 15 personnes et postant cinq jours par semaine a tendance à bien fonctionner.
Source : https://www.joshsteimle.com/linkedin/linkedin-engagement-pods.html
De nombreux pods possèdent des règles souvent très strictes. Par exemple, les membres peuvent avoir à publier un certain nombre de fois par semaine ou s’engager dans une certaine période de temps. Les futurs membres doivent accepter ces principes avant d’être autorisés à rejoindre le pod. Certains vont même jusqu’à compter le nombre de likes pour vérifier si la parité entre les membres du groupe est respectée.
Vous trouverez ces pods sur Whatsapp, FaceBook, Slack et d’autres systèmes de messageries.
Des sites spécialisés comme Alcapod (gratuit) ou Lempod (payant) vous invitent à télécharger une extension Chrome. Lempod propose un abonnement à 5 euros qui vous garantit jusqu’à 10 fois plus de vues. Ainsi sur Lempod, vous pouvez filtrer les pods par secteur ou par pays et rallier celui de votre choix via un code secret.
Le site propose même les meilleurs pods de la semaine, divisés en 9 catégories :
Le site Alcapod, en référence à Alcapone (c’est dire !), l’indique en 1ère page « Rejoignez la mafia de LinkedIn ».
Podawaa met en avant son algorithme intégrant une machine learning qui génère des commentaires pertinents parmi les plus utilisés par sa communauté. Une sélection de 15 critères permet de déterminer qui va aimer et commenter votre publication. De même, vous pouvez varier régulièrement les personnes qui commentent vos contenus afin de duper l’algorithme LinkedIn.
A la lecture de termes comme « faites croire, tromper, machine learning, simuler », on est en droit de se demander où est le plaisir de communiquer ?
« C’est mieux d’avoir 100 personnes qui vous aiment énormément plutôt qu’un million de personnes qui vous aiment un peu de loin. » – Brian Chesky
5- Ce qu’en dit LinkedIn ?
Les conditions d’utilisation de LinkedIn, dans son article 8.2.q indiquent ce qu’il ne faut pas faire et notamment en son paragraphe q : « perturber le fonctionnement des Services ou imposer une charge disproportionnée sur ceux-ci (p.ex. spam, attaque par déni de service, virus, algorithme de jeu » – l’algorithme de jeu étant bien sûr le pod.
En interrogeant LinkedIn à ce sujet, voici la réponse qui m’a été délivrée : « Tout membre utilisant des outils à ces fins viole les Conditions d’utilisation de LinkedIn. Cela signifie que son compte peut être restreint ou supprimé. Nous nous efforçons constamment d’améliorer nos mesures et défenses techniques contre les outils de web scraping, d’automatisation et autres, qui abusent de la plate-forme de LinkedIn. »
Pour résumer :
La communication est une affaire de patience, d’authenticité, de présence à l’autre. C’est elle qui créé un lien réel entre un auteur et son audience. En tant que communicant(e), nous avons une responsabilité, celle d’éveiller nos lecteurs, d’interagir avec eux, de bâtir une relation sur la confiance. Beaucoup de créateurs de contenus mettent souvent du temps à percer sur LinkedIn, mais s’appuient sur la force de leur cœur et de leur réseau pour gagner leur place. Faut-il alors bannir les pods ? Il serait en tout cas normal que ces publications truquées soient mieux détectées pour que les auteurs qui ne contournent pas la voie « naturelle » de l’engagement soient mieux reconnus. La communication, c’est aussi la cohérence, l’alignement avec ses valeurs profondes. Où sont donc celles des utilisateurs de pods ?
« Celui qui parle le plus fort dans cette pièce est le plus faible de cette pièce. » Film – American Gangster
Marina Rogard